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  • Le juge constitue un dommage collatéral de la fabrique des élites formatées.

    Burgaud, un cadre obéissant

    par Emmanuel PONCET
    QUOTIDIEN : vendredi 17 février 2006

    Emmanuel Poncet journaliste à «Libération».

    depuis la parution de l'article , le ministre de la justice a porter plainte contre poncet emannuel

    quant pensez vous de l'article et/ou de la plainte





    Lors de son procès à Jérusalem en 1960, Eichmann s'exclamait : «J'ai le sentiment d'être grillé ici comme un steak sur un grill.» Toutes proportions gardées, l'amère impression laissée par l'audition du juge Burgaud, seul en costume-cravate tout gris, fonctionnaire vétilleux, face à l'impressionnant dispositif médiatique de la commission d'enquête parlementaire sur Outreau, rappelle cet épisode. Ainsi que plusieurs questions «scandaleuses» qu'Hannah Arendt avaient soulevées à l'époque dans sa couverture du procès. La philosophe allemande avait choqué en invoquant la «banalité du mal». Réactivée par l'écrivain Rony Brauman et le cinéaste Eyal Sivan, quarante ans plus tard (1), sa théorie du «spécialiste», de l'employé modèle, de l'exécutant discipliné, capable d'atrocités, peut éclairer certains aspects de cette affaire. Il ne s'agit ni d'assimiler le juge Burgaud à Eichmann, ni de comparer de dramatiques erreurs judiciaires à des déportations. Simplement de relever quelques analogies troublantes. Et dégager un profil psychologique courant, véritable ressort du système et du problème : le jeune cadre obéissant. La plupart des mises en cause de Fabrice Burgaud reposent en effet, depuis le début l'affaire sur sa jeunesse, sa solitude, son inexpérience, certes, mais surtout sur son exécution sèche, mécanique, arrogante et sans états d'âme des procédures. «J'ai été terriblement choqué, explique-t-il devant les députés, d'être présenté comme une machine à appliquer le droit sans aucune humanité.» Pourtant, les acquittés comme les observateurs ont souvent pointé chez lui une forme de zèle inquiétant. Ce souci de la procédure lui permet notamment d'affirmer : «Je sais que cela a choqué et cela peut encore choquer, mais je l'ai dit et je le redis, j'estime avoir effectué honnêtement mon travail sans aucun parti pris d'aucune sorte.» Point final.

    Malheureusement pour lui (mais aussi pour nous), ses propos résonnent singulièrement, et presque terme à terme, avec ceux d'Eichmann lors de son procès. Face au président Landau qui lui demande s'il se sent coupable, le cadre nazi élude : «J'ai fait mon devoir, conformément aux ordres. Et on ne m'a jamais reproché d'avoir manqué à mon devoir. Aujourd'hui encore, je dois le dire.» Même si comparaison n'est jamais raison, cette ligne de défense est-elle si différente, au fond, de la fameuse «méthode employée pour l'enquête» dont se prévaut le juge Burgaud ? «Mon comportement avec les gens n'était pas agressif», insistait Eichmann. «Je ne suis pas la personne que certaines personnes auditionnées ont décrite et je n'ai pas tenu certains des propos qu'on m'impute», a invoqué le juge Burgaud. On pourrait poursuivre infiniment le recensement des résonances, des ressemblances et des correspondances. Quarante ans plus tôt, les tragiques maladresses d'Eichmann cachaient mal l'impossibilité foncière de reconnaître une faute qu'on pense sincèrement n'avoir jamais commise. Exclusivement chargé du transport, il était un rouage du système, accomplissait sa tâche du mieux possible. Il minimisait, euphémisait à longueur de procès. A propos de «gens [qui] restaient souvent huit jours enfermés dans les wagons», il assure par exemple : «Il se peut que des imperfections locales aient entraîné occasionnellement des désagréments. Mais nous faisions de notre mieux, autant que possible, pour arrêter et éviter ces choses.» Surcharge de travail. Accumulation des dossiers. Sensation pour Eichmann d'être un «instrument entre les mains de forces supérieures». Sentiment pour Burgaud de ne pas être soutenu : «Personne ne m'a dit que je faisais fausse route, ni le procureur de la République (...), ni le procureur général (...), ni la chambre de l'instruction.» On voit bien que le problème dépasse la singularité des époques, des drames et des individus en cause. La défense et l'attitude de Burgaud pendant son «procès médiatique» révèle cette question sulfureuse, scandaleuse pour nos sociétés : celle de l'obéissance. Du légitimisme. Du légalisme. De la soumission à une hiérarchie. A une procédure. A des pouvoirs en place. La «vie de bourreau», en quelque sorte. Elle concerne chacun de nous, et même les députés condescendants qui miment l'indignation face au «petit juge». Au quotidien, dans les écoles, les entreprises, des individus aux tâches morcelés, et par là se sentant irresponsables des conséquences qu'elles induisent, font vivre les structures sociales.

    Fervent exégète des théories d'Hannah Arendt, le psychiatre du travail Christophe Dejours(2) a proposé le terme de «normopathe» pour qualifier ces jeunes hommes qui «se présentent comme des sujets hypernormaux, simples et sans complication». Comme Burgaud lorsqu'il croit servir l'institution judiciaire. Comme Eichmann lorsqu'il prétendait servir sa hiérarchie. Dans un contexte historique extrême, ces «normopathes» présentent toutes les qualités pour devenir «les mille fidèles, les exécutants aveugles des ordres reçus» que Primo Levi dénonçait. Burgaud incarne le «cadre» universel, terne et modèle. Il questionne la fabrique des élites. Et pas seulement judiciaires. Il constitue un dommage collatéral de la fabrique des «obéissants». Loués par leur hiérarchie. Vite lâchés et sacrifiés par elle au moindre problème.

    N'est-il pas le jeune homme promu à la section antiterroriste après avoir instruit l'«affaire du siècle» ? «Les écoles et les centres de formation sélectionnent et fabriquent assurément des normopathes professionnels efficaces», écrivait Christophe Dejours, dans un article consacré à ces jeunes hommes engoncés dans un statut social aussi étriqué que le costume gris de Burgaud. «Il me fait penser à certains de ces étudiants, sérieux, sûrement travailleurs, appliqué, obstiné et quelque part fragile», évoquait Robert Badinter sur RTL. «Il me fait de la peine, on dirait un petit garçon», ajoutaitle chauffeur de taxi Pierre Martel. Le gris, le terne, le creux, le vide, l'opacité, le mutisme, l'absence (d'explications) laissé par Fabrice Burgaud, trouvent sa source au coeur de ce profil «obéissant». Dressés scolairement et socialement à la «culture du résultat», plus qu'à cette «culture du doute» aujourd'hui tant vantée, ces jeunes cadres sortis d'écoles (de la magistrature, d'ingénieurs, de commerce, de journalisme...) incarnent la figure méritocratique du «bon élève/bon fils». Ils peuplent nos institutions par milliers. Celles-ci les récompensent largement. Le plus souvent. Jusqu'à ce que l'un d'entre eux, sous l'oeil bienveillant de ses aînés moralisants, soudain dérape.

    (1) Eloge de la désobéissance, à propos d' «un spécialiste», Adolf Eichmann, éditions le Pommier.

    (2) Nouvelles approches des hommes et du masculin, sous la direction de Daniel Welzer-Lang, Presses universitaires du Mirail.

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  • je suis en train d'écouter le cd de brokeback moutain

    un must

    linda ronstatd, willie neslson, emmylou harris, teddy thompson, the gas band, rufus wainwrigt,

    du folk ricain, on dit que c'est de la musique des fachos des mecs bien du sud, texas,  de la country, j'avais jamais écouté, mais  réécouter emmylou, ca vaut le détour,


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  • moi

    esaai

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  • Cameroun : Première audience d'un procès dans l'affaire des listes d'homosexuels présumés

    La première audience d'un procès s'est ouverte, mardi 14 février, au tribunal de première instance de Yaoundé, suite à l'affaire des listes d'homosexuels présumés publiées par trois journaux camerounais, annonce le portail d'information camerounais Cameroun Online.

    Le ministre délégué à la présidence de la République chargé des relations avec les assemblées, Grégoire Owona, et le directeur du centre hospitalier d'Essos, Jean-Pierre Mayo, attaquent les directeurs de publication de Nouvelle Afrique et L'Anecdote pour avoir écrit leur nom parmi ceux des prétendus gays et lesbiennes (lire Quotidien du 9 février).

    Mais, en l'absence des accusés, Biloa Ayissi et Amougou Belinga, le président du tribunal a jugé l'affaire non recevable. Elle a donc été renvoyée au 21 février. La foule était nombreuse dans les cours et allées du tribunal, et  insultes et menaces homophobes - «À bas les pédés! Tous à mort!» ou «Trop c'est trop! À mort, c'est ainsi que cela se passait au temps de Moïse» - fusaient.

    Alors que d'autres personnes citées dans les journaux attendraient de voir les suites judiciaires avant d'intenter une action, une pétition forte de plus de 600 signatures devrait bientôt circuler pour interpeller le président Paul Biya, qui avait appelé au respect de la vie privée lors d'un discours prononcé le 10 février.

    Dans un communiqué de presse du 15 février, l'association camerounaise pour la défense de l'homosexualité (Adefho) et Warning, association française de prévention du VIH et de santé LGBT, se déclarent très inquiètes face à la discrimination continuelle et la marginalisation de la minorité homosexuelle au Cameroun, et en appellent à la dépénalisation de l'homosexualité et à la condamnation de l'homophobie.


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