• bernard stasi/libé

     

    ne Rachida à qui on refuse un appartement, une Juliette en fauteuil roulant dont l'embauche ne se fait pas, un Romuald insulté parce qu'homosexuel... Bientôt, ces victimes de discrimination pourront faire appel à une nouvelle institution, indépendante et, peut-être, efficace. Hier, Bernard Stasi a proposé au Premier ministre la création d'une «haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité». L'instance s'attaquera à toutes les formes d'inégalité : «ethnique, religieuse, de sexe, de convictions, de handicap, d'âge, de santé ou d'orientation sexuelle». Après 140 auditions, le médiateur de la République mandaté par Jean-Pierre Raffarin dresse un constat sévère. «Le modèle français d'égalité traverse une crise profonde, écrit-il. La politique de lutte contre les discriminations s'est enlisée.» Le 114, le numéro gratuit mis en place par Martine Aubry, est tombé en désuétude. Lors de sa mise en place, il avait pourtant généré un emballement impressionnant (24 342 appels en quatre jours), avant une dégringolade tout aussi spectaculaire. Les Codac (commissions départementales d'accès à la citoyenneté), chargées du suivi des dossiers en préfecture, «n'ont pas été à la hauteur des objectifs». Elles ont privilégié des procédures d'investigation interne, «sans garantie d'impartialité».

    Sans suite. Il est même arrivé que des signalements concernant l'action de la police se retournent contre les victimes, citées alors à comparaître devant le tribunal correctionnel ou devenant l'objet de plaintes des agents mis en cause. La plupart des signalements transmis au parquet ont été classés sans suite. Les tribunaux sont trop souvent, selon le médiateur, saisis de dossiers «mal constitués».

    Résultat, le nombre de condamnations reste très «modeste» : 3 en 1997, 29 en 2002. Un chiffre d'autant plus biaisé que, très fréquemment, la personne discriminée n'ose pas porter plainte, souvent parce qu'elle ne dispose pas de preuves. De plus, note le rapport, les auteurs de discrimination (bailleurs, prestataires de service ou employeurs) ne sont «pas dénués de moyens de pression ou de rétorsion», surtout à l'encontre d'un salarié. Enfin, le recours à la justice pour discrimination à l'égard des femmes est «exceptionnel», et la situation pour les handicapés «n'est pas plus satisfaisante». Bref, le système judiciaire actuel est «insuffisant», les lois «pas appliquées».

    Dans ce contexte, Bernard Stasi a recueilli «l'approbation unanime, au-delà de tous les clivages politiques, de la nécessité et de l'urgence de créer une autorité indépendante». Il propose que l'agence ait des «moyens d'investigation propres», auprès de l'administration mais aussi des entreprises privées. Elle pourra exiger, sous menace d'amende, des documents administratifs ou professionnels. Elle adressera des avertissements et rendra publiques des affaires si le fautif ne fait pas amende honorable.

    Testing. Elle aura la possibilité de saisir la justice et de produire des observations au cours du procès. Les victimes pourront saisir directement l'autorité, par écrit. Cet organisme serait dirigé par un collège de onze personnalités indépendantes, épaulées d'une vingtaine d'experts. Il faudrait constituer une équipe de 60 à 80 personnes, «sinon on risque de décevoir l'attente suscitée», met en garde Stasi. L'annonce de la mise en place de la haute autorité, souhaitée par Jacques Chirac et attendue depuis des années par les associations, a été saluée. Sos Racisme, à l'origine des campagnes de testing, s'est tout de même inquiété de l'instauration d'une médiation. «Cela rallongera la procédure pour la victime et cela va permettre aux personnes mises en cause de prendre la voie de la médiation et d'échapper à la sanction pénale», estime ainsi le vice-président. Act Up a tenu à rappeler que les associations demandent également «la pénalisation des propos homophobes et transphobes». Le ministre de la Culture, Jean-Jacques Aillagon, avait lui-même appelé de ses voeux une loi contre le délit homophobe (Libération du 14 et 15 février). La haute autorité pourrait voir le jour avant la fin de l'année.


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