• Les Nations Unies envisagent la circoncision pour faire reculer le sida
    Interview de Catherine Hankins, conseillère scientifique principale de l'Onusida

    mardi 11 juillet 2006, par Habibou Bangré


    Le journal médical Plos Medecine publie, ce mardi, l'étude « Impact potentiel de la circoncision masculine sur le VIH en Afrique sub-saharienne ». Ce document, basé sur une expérience en Afrique du Sud, indique que les hommes circoncis ont environ 60% de chances en moins d'être contaminés par le sida. Le Dr Catherine Hankins, conseillère scientifique principale de l'Onusida, qui a participé à la recherche, estime que les résultats sont « très prometteurs et encourageants ». Interview.

     














    Les Nations Unies se penchent sur la circoncision comme moyen d'éviter le sida. Le Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida (Onusida) explore cette piste, avec des chercheurs sud-africains, français et américains, dans une étude publiée ce mardi dans le magazine médical Plos Medecine. Les travaux se basent notamment sur les résultats d'une expérience sud-africaine à Orange Farm, sortie en 2005, qui concluait que les hommes circoncis avaient environ 60% de chances en moins d'être contaminés par le VIH via une femme porteuse du virus. Avant de promouvoir l'ablation du prépuce comme moyen additionnel, donc non exclusif, de prévention du sida, l'Onusida attend les retombées de deux études similaires à celles d'Orange Farm menées en Ouganda et au Kenya. Toutefois, le Dr Catherine Hankins juge les résultats sud-africains « très prometteurs et encourageants ». La conseillère scientifique principale de l'Onusida nous explique pourquoi.


    Afrik : Pensez-vous que l'étude d'Orange Farm soit fiable ?
    Dr Catherine Hankins :
    L'étude a été menée dans une population où le taux de séroprévalence est de 30%. Tous les hommes avaient pratiquement les mêmes profil et comportement sexuel (ils avaient peu de partenaires), même si on a noté que les circoncis avaient un peu plus de rapports. Tous ceux qui se sont présentés voulaient être circoncis. Une partie l'a été au début de l'étude, et une autre après. Et nous avons vu que, parmi les circoncis, il y avait une baisse de 60% de séropositifs.


    Afrik : La recherche à laquelle vous avez participée se base uniquement sur l'Afrique sub-saharienne. Pourquoi ?
    Dr Catherine Hankins :
    Comme l'Afrique est le continent le plus touché, si nous devions promouvoir la circoncision ce serait probablement pour l'Afrique sub-saharienne. Mais en Afrique de l'Ouest, le taux de circoncision est déjà très fort. Par ailleurs, le Nigeria et le Botswana ont opté pour la circoncision à la naissance. C'est en Afrique Australe et de l'Est que les autorités doivent choisir.


    Afrik : Les recherches sur lesquelles vous vous êtes basés ont-elles démontré que, là où la circoncision est très pratiquée, la séroprévalence est moins élevée par rapport à d'autres régions où elle se pratique moins ?
    Dr Catherine Hankins :
    Le taux de VIH est très bas dans les pays où le taux de circoncision est fort. Plusieurs études l'ont démontré. On n'a pas encore assuré la corrélation entre le taux de circoncision élevé et le taux bas de séroprévalence, mais c'est pour en savoir plus que nous faisons des études. Mais il faut aussi prendre en compte l'aspect religieux qui peut être lié à la circoncision, et qui favorise peut-être un comportement plus sain.


    Afrik : Les projections mathématiques de la recherche indiquent que la circoncision pourrait être bénéfique d'ici 10, 20 ou 30 ans si tous les Africains étaient circoncis...
    Dr Catherine Hankins :
    C'est surtout à partir de 20 ans que l'on observe des changements importants, en termes de baisse de la contamination et des décès liés au sida.


    Afrik : Ces résultats valent surtout pour les hommes, alors que ce sont les femmes qui sont les plus touchées par la pandémie. Se pencher sur les « bienfaits » de la circoncision ne serait-il pas le mauvais cheval de bataille ?
    Dr Catherine Hankins :
    Pour les femmes, nous avons prévu un effet indirect car moins les hommes seront infectés, moins les femmes le seront. Une étude montre par exemple qu'un homme circoncis a 30% de chances en moins de transmettre le virus à sa partenaire. Mais pour voir les conséquences de la circoncision des hommes sur les femmes, nous attendons les résultats de l'étude menée en Ouganda et qui se penche sur les hommes séropositifs circoncis ou non et les conséquences que cela a pour les femmes.


    Afrik : Au final, que pensez-vous de la circoncision comme moyen de prévention contre le sida ?
    Dr Catherine Hankins :
    Ma position est que les résultats d'Orange Farm, menée par des Français et des Africains, sont très prometteurs et encourageants. Mais nous aimerions voir les résultats des études faites en Ouganda et au Kenya. Car nous devons voir si leurs résultats confirment ceux d'Orange Farm avant de promouvoir la circoncision dans les pays à fort taux de VIH. En attendant, nous encourageons les autorités à améliorer les conditions sanitaires et hygiéniques dans lesquelles les circoncisions sont pratiquées en dehors des hôpitaux. Mais il faut regarder quelle place la circoncision pourrait avoir dans la prévention du sida et, si elle en a une, se demander comment appliquer la mesure, si la population sera d'accord...


    Afrik : Promouvoir la circoncision et circoncire reviendrait-il moins cher que payer des antirétroviraux aux malades ?
    Dr Catherine Hankins :
    C'est une question importante, mais nous n'avons pas fait d'étude à ce sujet. Les décideurs se pencheront sans doute sur le sujet. Mais l'idéal reste que les gens changent de mentalité, de comportement et qu'ils portent le préservatif à chaque rapport. Dans le monde, les gens portent encore le préservatif de façon inconstante et incorrecte. Donc l'idée est de trouver des alternatives, comme les microbicides vaginaux et les préservatifs féminins.


    Afrik : Certaines associations craignent que faire la promotion de la circoncision va pousser les hommes à se dispenser de l'usage du préservatif...
    Dr Catherine Hankins :
    Nous aimerions que les hommes ne se sentent pas invulnérables. C'est pour cela qu'il faut des programmes de sensibilisation très forts quant au comportement sexuel. Il faut que les hommes comprennent que la circoncision serait un ajout aux autres mesures de prévention et qu'il faut rester fidèle.


    Afrik : Des opposants à la circoncision vous disent-ils qu'ils ne comprennent pas pourquoi les Nations Unies envisagent la circoncision contre le sida, mais pas l'excision ?
    Dr Catherine Hankins :
    Les hommes contre la circoncision des nouveaux-nés nous font parfois le reproche. Mais les deux procédures sont très différentes. La position des Nations Unies est qu'il faut faire une différence considérable entre circoncision et excision. L'excision ne fait pas baisser le VIH et doit être arrêtée. Elle touche à la sexualité de la femme et à sa féminité et n'améliore pas sa santé.


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  • Hommage : l'héritage d'Eric Rofes

    Militant gay et militant de la lutte contre le sida, journaliste, enseignant, chercheur, Eric Rofes était le principal leader et théoricien du mouvement américain de santé gay. Il est décédé d'une crise cardiaque le 26 juin. Olivier Jablonski, responsable de l'association Warning !, qui l'avait fait découvrir en France, rappelle le rôle de cette figure clef du mouvement gay.




    (Photo : Eric Rofes)

    "Peu de personnes le connaissaient en France. Pourtant, Eric était une figure majeure du militantisme homo et sida. Dans les années 90, il a mené une analyse critique de la prévention sida et promu une nouvelle approche, sous le terme de "santé gaie". Cette approche et sa pensée ont influencé de nombreux militants à travers le monde. Nous l'avions invité lors de notre conférence VIH et santé gaie en novembre 2005. Il avait un regard amoureux sur les gays. Son discours sur la sexualité était progressiste, et il ne passait pas son temps à traiter certains gays
    d'irresponsables. Il aimait la vie, les gays et le sexe. Il avait anticipé les limites du discours classique de la prévention sida, ses contradictions et proposait d'y répondre. Eric Rofes était professeur à l'université d'état californienne Humboldt. Il y enseignait l'organisation communautaire et les techniques de leadership.

    Eric Rofes s'est impliqué aux tous premiers temps de l'épidémie de sida. Alors jeune militant vivant à Boston, il prend la tête de la Boston Lesbian and Gay Political Alliance (1982/84). En 1985, Eric Rofes déménage en Californie et devient directeur exécutif du Los Angeles Gay and Lesbian community Services Center, jusqu'en 1988. Dans cette grande agence de service pour lesbiennes, gays, séropositifs et malades du sida, Eric Rofes supervise le travail de prévention VIH vers les gays et les bisexuels mais aussi les services médicaux, les tests, l'assistance juridique et les conseils aux séropositifs.
    Il participe à la manifestation historique du 1er juin 1987 devant la Maison Blanche — la première sortie nationale d'Act Up aux Etats-Unis. En 1989, Eric Rofes s'installe à San Francisco pour le Shanti Project. Cette agence est pionnière. Elle fournit une aide amicale, le transport, des logements pour les malades du sida.

    Parallèlement à ses fonctions, Eric Rofes écrit des articles dont un, critique, en 1990, sur la "dé-shomosexualisation" du sida. Eric Rofes y remet en question l'intérêt qu'ont eu les organisations de lutte contre le sida des années 80 à "hétérosexualiser" le sida dans leur communication publique en vue d'obtenir plus facilement des financements. Pour lui, le coût politique payé par les gays de cette stratégie est important.
    Eric Rofes publie par la suite plus d'une dizaine de livres dont deux centrés sur le sida où il étudie les effets du VIH/sida sur les
    communautés homosexuelles aux Etats-Unis. A partir de 1997, il organise les premiers colloques américains sur la santé gaie et met en forme l'armature intellectuelle d'une nouvelle approche de la prévention qui est aujourd'hui mise en œuvre dans de nombreux pays. C'était un personnage impressionnant, combatif et généreux."

    Par Olivier Jablonski de Warning !

    Un hommage très complet, avec de nombreuses références aux travaux d'Eric Rofes et la vidéo de sa dernière intervention à Paris en 2005, est consultable sur :
    http://www.thewarning.info/article.php3?id_article=0185

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  • ertains homosexuels masculins devraient, vingt-trois ans après leur exclusion, à nouveau pouvoir effectuer des dons du sang, contre l'avis de plusieurs experts de sécurité sanitaire.

     


    "La contre-indication permanente actuelle visant "les hommes ayant des rapports sexuels avec d'autres hommes" ne me semblait pas satisfaisante, car elle stigmatisait de facto une population et non des pratiques. Elle va donc disparaître", a déclaré au Monde, le ministre de la santé, Xavier Bertrand.








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    Les responsables de l'Etablissement français du sang procèdent actuellement au renouvellement de tous les questionnaires auxquels sont soumis les donneurs de sang et, en liaison avec la Fédération française des donneurs de sang bénévole, un guide d'information et de prévention sur les pratiques sexuelles de ces donneurs est en cours d'élaboration.


    M. Bertrand précise que les spécialistes ne lui ont pas apporté la démonstration que le don de sang d'un hétérosexuel ayant des rapports non protégés avec de multiples partenaires était moins dangereux que celui d'un homosexuel n'ayant aucune pratique à risque.


     


    "SITUATION PRÉOCCUPANTE"


     


    "J'entends que l'on ne parle plus à l'avenir de "populations à risque" mais bien de "pratiques sexuelles à risque", souligne M. Bertrand. Il ne s'agit pas pour autant d'ignorer une situation très préoccupante, celle de la recrudescence de l'épidémie de VIH parmi les homosexuels masculins ; il s'agit au contraire de rappeler le danger des pratiques à risque, qu'elles soient homosexuelles ou hétérosexuelles."


    L'affaire avait été soulevée il y a peu par Jack Lang. Dans un courrier du 11 mai adressé à M. Bertrand, le député PS estimait que cette exclusion instaurée deux ans après l'émergence de l'épidémie de sida, constituait "une mesure discriminatoire extrêmement choquante".


    Dans sa réponse, datée du 17 mai, M. Bertrand expliquait que "l'homosexualité ne constitue bien évidemment pas en soi un critère d'exclusion (...) Les données épidémiologiques montrent que la prévalence de l'infection à VIH dans la population homosexuelle masculine sexuellement active serait de 12,3 %, contre 0,2 % dans la population générale. Ce n'est donc pas le fait d'être homosexuel, mais la pratique de relations sexuelles entre hommes qui constitue une contre-indication au don du sang. D'ailleurs, l'homosexualité féminine n'est pas une contre-indication."


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    A écouter en regardant les photos ci-dessous :













     



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  • HOMOS - Marie-Hélène Bourcier, sociologue hors norme dans le paysage académique français, militante lesbienne et activiste queer, considère que la Gay Pride en général est devenue une manifestation trop brave. Entretien avec celle par qui la théorie queer est arrivée en France.

    Pas femme, mais Butch et SM... Telles sont les qualificatifs utilisés par Marie-Hélène Bourcier quand on lui demande de se définir. Mais Marie-Hélène Bourcier est aussi une des sociologues françaises les plus intrigantes du moment. Son domaine de prédilection: les théories du genre, la pensée «queer» et l'activisme. Cette normalienne –aujourd'hui maître de conférences à l'université de Lille– est un électron libre perturbateur qui prend un malin plaisir à naviguer à contresens du monde académique français. Elle était à Lausanne pour le colloque «Homosexualités au pluriel» organisé dans le cadre de la Swiss Pride 2006. L'occasion de lui demander ce qu'elle pense de la Gay Pride.

    Quelle importance revêt actuellement une manifestation comme la Gay Pride?
    Marie-Hélène Bourcier: C'est compliqué. D'un côté la Pride est un moyen d'affirmation, une occupation de l'espace public qui permet de «visibiliser» la population gay. Elle est donc importante. Toute une frange de la population gay a besoin d'une telle manifestation qui lui permet de présenter certaines revendications. Après... Elle pose tout de même problème. Sans remettre en cause sa force culturelle et politique, je dirais que la Pride est devenue insuffisante et contestable.

    En quoi est-elle aujourd'hui insuffisante et contestable?
    Le problème de la Pride c'est qu'elle est devenue trop gentille et trop respectable. Elle s'est donné un agenda normatif. Par exemple, en revendiquant le droit au mariage. D'ailleurs, je ne comprends pas cette histoire de mariage. Je comprends certes que les gens prennent des engagements, mais le mariage n'apporte rien. Il nous rabat sur un modèle romantique, de sentimentalité alors qu'il existe tellement d'autres formes de contrats possibles, à court, moyen ou long terme. Même un contrat de garantie pour une machine à laver, dans sa diversité, me semble plus intéressant comme base contractuelle. Je regrette cette focalisation sur le mariage. En suivant ce processus de normalisation, la manifestation s'est transformée en un défilé classique. Elle se fait sans les marges qui, elles, organisent leurs propres marches.

    Il y a donc des Pride parallèles?
    Oui. A Paris actuellement, il y a la marche des «tordus». Parce que celles et ceux qui s'identifient queer –tordu est en fait une traduction française de «queer»– ne se reconnaissent pas dans l'autre Pride, trop droite. Ce phénomène n'est pas nouveau. Il y a toujours eu des contre-Pride. A New York et à San Francisco, par exemple, la vieille de la manifestation, il y a toujours une marche «dyke». Si les lesbiennes font ça, ce n'est pas parce qu'elles sont des affreuses séparatistes, mais parce qu'elles sont autrement trop peu visibles. Car avant tout problème d'agenda trop restreint, il y a le fait que la Pride est surtout gay, c'est-à-dire faite pour les hommes.

    On peut donc dire que la Pride exclut aussi?
    C'est évident! Les Pride n'ont jamais été une vitrine pour les minorités trans, par exemple. D'où l'importance des marches alternatives «trans-pédés-gouines». Elles donnent l'occasion aux gens qui ont envie de marcher de travers de se montrer. Parce que la Gay Pride, c'est: «je marche droit».


    Quelles sont les alternatives à la manifestation actuelle?
    Je ne sais pas. Mais on innoverait sans doute dans la culture gay ou LGBTQ ou trans-pédés-gouines –suivant comment on veut l'appeler– si on se débarrassait de la référence aux émeutes de Stonewall (qui ont opposé la communauté gay de New York à la police, ndlr). Mais encore une fois: on ne peut pas être contre ou pour la Pride. Elle garde une certaine pertinence politique. Il ne faudrait pas jeter la Pride avec l'eau du bain. Il y a cependant une chose qui me paraît vraiment discutable, c'est le désir d'exporter cette manifestation. La Pride est calquée sur un modèle anglo-saxon et je ne pense pas que nous –en tant qu'Européens– nous devions forcément l'exporter en Russie, Turquie ou ailleurs. Pour moi, c'est là une démarche limite coloniale –pour dire un gros mot– qui est franchement contestable.

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