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    Alex Métayer, fabuliste ironique du quotidien
    LE MONDE | 23.02.04 | 13h52
    Le comédien et humoriste est mort samedi 21 février à Paris, à l'âge de 73 ans, des suites d'un cancer. Militant discret de l'Organisation communiste internationaliste, il moquait sur scène une France oublieuse de ses idéaux des années 1970.

    Alex Métayer est mort d'un cancer, samedi 21 février, à Paris. Il avait 73 ans. On se souvient d'un soir où il jouait avec son fils une comédie qu'il avait écrite, Aimez-moi les uns les autres. C'était en 1996, au Théâtre du Gymnase.<script language="javascript"></script> Alex Métayer était François, un comédien raté ayant pris sous son aile un travesti argentin, Juan, joué par Eric Métayer. Il déployait sa longue silhouette auprès de celle de son fils, toute aussi longue, rehaussée par d'hallucinants talons roses. La comédie était avenante, mais ce qui charmait ce soir-là, c'était le sourire d'un père passant le relais à son fils.

    Depuis, Alex Métayer est remonté seul sur les planches, pour un one-man-show, en 2000. Le dernier de quarante ans de carrière où se croisent la musique et le music-hall, le cinéma et la radio, toujours sous le signe de l'humour qui fut sa marque et que l'on pourrait résumer en une phrase : "Il y a trois choses qu'on ne peut pas regarder en face : le soleil, la mort et le dentiste..."

    Si tout humoriste reste dans la mémoire collective pour un bon mot, le souvenir que laisse Alex Métayer témoigne d'une pudeur et d'une rigueur : celle d'un homme qui avait fait le choix de faire rire ses contemporains d'eux-mêmes, en brossant le tableau souvent acide d'une société qui avait cru à une "révolution" et l'avait oubliée : la France des années 1970 et 1980.

    Alex Métayer était très engagé dans ce combat. Depuis les années 1970, il menait une double vie, de comique et de militant lambertiste, que seuls ses proches connaissaient. C'est sûrement l'aspect le moins connu de cet homme.

    Né le 19 mars 1930 de parents bretons, Alex Métayer a grandi en Algérie, comme le metteur en scène Bernard Murat et l'historien Benjamin Stora, qui furent ses compagnons de route à l'Organisation communiste internationaliste (OCI). Son père est officier d'aviation, lui s'intéresse à la musique. Il quitte l'école très tôt pour se consacrer à la clarinette. Quand la famille s'installe à Paris, il suit les cours du Conservatoire, d'où il sort avec un premier prix.

    Il commence alors à jouer dans un orchestre de jazz. C'est en se frottant au public qu'il se rend compte qu'il a des dons comiques. Il se rode dans les cabarets des années 1960, aux côtés de Boby Lapointe, Jean Ferrat ou Barbara. La radio - France-Inter, où il participe à l'émission "L'oreille en coin", créée en 1968 par Jean Garetto et Pierre Codou - finit de le convaincre de passer à la scène. Son premier show, "Nous on s'aime", date de 1976.

    Le succès vient vite. Les spectacles s'enchaînent : "la Vie en V.O." (1978), "Merci Disco" (1979)... Alex Métayer impose un personnage, vêtu de lin blanc, qu'il veut "ironique mais pas cynique". Il joue s'il le faut de son accent pied-noir, tourne et virevolte sur scène. Au fil du temps, il délaisse l'esprit chansonnier de ses débuts pour faire de chaque spectacle une fable autour de la vie-comme-elle-va, de préférence dans les familles françaises moyennes.

    "IL S'ENGAGEAIT VRAIMENT"

    Parallèlement, tous les samedis après-midi, Alex Métayer rejoint le 87, rue du faubourg Saint-Denis, dans le 10e arrondissement de Paris, où siège l'OCI, dont il est membre depuis le début des années 1970. Ses compagnons d'alors se souviennent de lui comme d'un militant à part entière. Benjamin Stora : "Il ne faisait pas partie de ces artistes qui payent leurs cotisations et signent les pétitions. Il s'engageait vraiment." Alex Métayer appartient au "rayon spectacle", dirigé par le chef opérateur Pierre William Glenn, qui compte parmi ses membres - outre Bernard Murat, actuel directeur du Théâtre Edouard VII et de la Michodière -, le cinéaste Alain Corneau, la comédienne Dominique Labourier et un certain Charles Berg, pseudonyme de Jacques Kirsner, devenu producteur de cinéma.

    " On était une sorte de secte", se souvient l'un de ses compagnons. "On vivait toujours dans le dédoublement entre notre engagement et nos activités publiques. Alex Métayer résumait notre mal-être. Ses sketchs étaient parmi les moins politisés, alors que lui l'était totalement." Au tournant des années 1980, Alex Métayer tente de changer de registre, en passant au cinéma. Il signe deux films, Le Bonheur se porte large (1988) et Mohamed Bertrand-Duval (1991). Le public le suit moins que sur scène, où il remonte en 1993 avec un de ses plus grands succès, "Opéra comique". Le portrait d'un homme déçu par les années 1980. Et c'est avec un drôle de titre qu'il clôt sa carrière, en 2000 : "Alex Métayer perd la tête."

    Brigitte Salino

    • ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 24.02.04

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