• l'esclavage est il aboli??

    mardi, 3 janvier 2006

     pourquoi les donneurs d'ordre ne sont pas poursuivis???
     esclavagisme a marseille

    Le travailleur polonais peut aussi être une victime. En intervenant à l'aube, le 1er décembre, la brigade financière de la PJ de Marseille et le GIR (groupe d'intervention régional) en ont déniché pas moins de 28. Surtout des maçons et des peintres, qui logeaient dans des mobile homes d'un camping de l'étang de Berre ou sur des chantiers de BTP de la région. Au total, une soixantaine de salariés y auraient ainsi travaillé, en un an, pour une société de droit britannique. Dix heures par jour, six jours sur sept, voire plus, pour «50 à 100 euros par semaine», selon un enquêteur. Des procédés qui valent à cinq personnes, au premier rang desquelles les deux initiateurs de cette petite entreprise saute-frontières, des mises en examen pour «travail dissimulé, emploi d'étrangers dépourvus de titre de travail, abus de confiance, abus de bien social et conditions d'hébergement incompatibles avec la dignité humaine».

    Boîte aux lettres. C'est l'histoire d'Andrzej, Miroslaw, Marek, Piotr et des autres. Pour la plupart, des pères de famille plutôt jeunes, sans emploi, venus de petites villes de Pologne «où la situation est extrêmement difficile», résume leur avocat, Wladyslaw Lis, qui va se constituer partie civile pour une vingtaine d'entre eux. C'est aussi l'histoire d'une PME marseillaise, Provence Construction, et de sa petite soeur Eldor, société de droit britannique censée assurer à la première les avantageuses conditions fiscales et sociales anglaises. «En réalité, une simple boîte aux lettres, doublée d'une inscription au registre du commerce, précise un enquêteur. Mais il ne suffit pas de verser 10 livres à la Couronne britannique pour faire n'importe quoi, n'importe où.» Jacques Baume, procureur de Marseille, nuance : «Le schéma juridique est intéressant, il s'inscrit dans le fantasme collectif de la dérégulation européenne et de la libéralisation totale. En fait, c'est une escroquerie à tout, au travail, au crédit, aux banques et aux clients, camouflée derrière un pseudo-droit européen.»

    L'affaire aurait démarré vers la fin 2004, avec la rencontre entre deux hommes, Jean-Louis Duccini, chef d'entreprise marseillais de 38 ans, et Leonard Makaj, un Polonais du même âge. Le premier est «un grand gaillard avec un visage d'ange, très sympathique et jovial», glisse l'un de ses fournisseurs, qu'il a planté de quelque 30 000 euros. En deux ans, deux de ses SARL, Habitat Concept puis Batisud, ont été placées en liquidation. Chez lui, les enquêteurs retrouveront huit véhicules, «dont beaucoup étaient anciens», deux motos et un bateau. Le profil du second, recherché par la justice polonaise, demeure plus obscur. A tel point que Makaj, qui vivait en France avec un faux passeport grec au nom de Daskalopoulos, a été placé en détention provisoire.

    Sans méfiance. «Le flux entre la Pologne et la France était organisé, indique un magistrat. Les dirigeants ne rencontraient aucune difficulté dans le recrutement de cette main-d'oeuvre tentée par la richesse de l'Europe de l'Ouest et trompée à peu de frais.» Les salariés étaient recrutés via des annonces dans les journaux polonais, sur l'Internet ou dans des agences pour l'emploi locales. «Tout à fait légalement, indique Wladyslaw Lis. Dans ces régions où il y a beaucoup de chômage, il n'y avait aucune raison de se méfier.» D'autant que le salaire promis était, pour eux, substantiel : «4 euros de l'heure pour le premier mois d'essai et 6 euros si ça se passait bien», indique un policier. Depuis la Pologne, les ouvriers voyageaient en minibus ­ non assurés ­ vers Marseille. Etaient hébergés au siège de la société, dans le XIIe arrondissement. Avant que les suspicions des voisins, alertés par des bruits nocturnes, n'incitent les dirigeants à se tourner vers un camping de l'étang de Berre. D'autres dormaient à même les chantiers, «dans des pièces ouvertes aux quatre vents», raconte un policier.

    «Pas de contrat de travail, pas de comptabilité, pas de bulletin de salaire, pas de minima sociaux», indique un magistrat. Et pas de salaire, ou si peu, une fois déduit le prix de l'essence, de la nourriture et du logement. En réalité, uniquement des «acomptes». Si plusieurs ouvriers dépités sont rentrés au bout de quelques semaines, la plupart d'entre eux, «très modestes et très simples, avaient des illusions, explique Wladyslaw Lis. Ils pensaient qu'ils allaient être payés avant les fêtes. Ils commençaient à 6 heures du matin, s'endormaient tôt et ne se posaient pas de questions.»

    Pendant ce temps, avec des tarifs de 30 % inférieurs à ceux des concurrents, Provence Construction rafle les marchés. Entre 2003 et 2005, les remises de chèques sur son compte passent de 6 500 à 300 000 euros. Dont 80 000 seront retirés en espèces... «Du pillage à la petite semaine, raille un proche du dossier, une minablerie rationalisée.» Avocat de Jean-Louis Duccini, Régis Rebuffat conteste : «Duccini n'est pas un esclavagiste, juste un petit entrepreneur qui pensait passer à la vitesse supérieure, développer son activité dans un esprit d'entreprise. Et qui a, en toute bonne foi, cru trouver un système fiscal et social avantageux en Angleterre.»

    Un mort. Sans emploi, Jerzy Roch Egier, 43 ans, est parti de Siedlce, en Pologne, dans la nuit du 25 octobre. Arrivé au camping le 27 au soir, en minibus, avec cinq camarades. Le 28, à 5 heures du matin, son corps renversé par un véhicule a été retrouvé sur la nationale 113, 20 km plus loin, à Lançon-Provence. Il devait commencer à travailler à 6 heures. «D'après ses collègues, il serait parti à pied du camping quand il a compris qu'il ne serait pas payé», glisse un proche du dossier. Contacté par les gendarmes après l'accident, Jean-Louis Duccini a refusé de participer au rapatriement du corps, expliquant en substance : «Il est venu pour un entretien d'embauche, mais je ne suis pas son employeur car il n'a rien signé. Je ne suis pas concerné.» C'est grâce à une collecte de sa famille que le corps a pu être rapatrié.

    Quant aux 28 salariés trouvés par la police, ils se sont égaillés dans la nature après leur audition par la PJ. Quelques-uns chercheraient encore du travail en région parisienne. Les autres sont tous rentrés en Pologne, dans un des minibus de la société.


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